Connaissez-vous l’importance du “trempage” ?

Le concept de “TREMPAGE”

Le horseman américain réputé Chris Cox a décrit dans son livre RIDE THE JOURNEY de même que lors de ses conférences, l’importance de laisser le temps au cheval d’absorber l’information reçue, soit de digérer mentalement ce qu’il vient d’apprendre.

J’aime beaucoup l’expression qu’il a donnée à ce concept, il parle de “SOAKING” soit la notion de TREMPAGE. En d’autres mots, laisser le temps au cheval d’assimiler mentalement l’information ou le stimulus reçu afin de pouvoir donner une réponse appropriée la prochaine fois et ce dans un climat de respect et de confiance.

Ainsi le cheval a la satisfaction d’avoir réussi ce qui est fort important pour sa DIGNITÉ, sa FIERTÉ et surtout sa CONFIANCE.

Laisser au cheval le temps de digérer mentalement l’exercice en le récompensant pour l’effort fourni et en lui donnant un relâchement suite à la bonne réponse.

– Lyne Laforme

La notion de trempage” c’est une prolongation de la phase de relâchement.

Ici on parle du développement mental du cheval, j’ose dire, le parent pauvre de l’équitation. Nous développons bien les chevaux au niveau physique et souvent au niveau émotif car un cheval non confiant et inquiet met notre sécurité à risque.

Nous oublions souvent de s’arrêter à ce que le cheval pense et même à ce qu’il a compris de nos demandes. On leur laisse peu de chances de prendre des décisions, de solutionner des problèmes simples et même d’avoir des responsabilités ne serait-ce que de demeurer dans leur rectangle imaginaire (voir l’article 2 sur le RECTANGLE de cette série sur le PARTENARIAT). Et que dire du leadership par intention ? Des articles futurs développeront ces concepts.

Indy m’attend à la porte de l’écurie car j’ai oublié ma bombe. Ne vous inquiétez pas, la route est très loin.

Lili en liberté pendant que Uta la prépare pour la monte.

Tout un privilège quand un entraîneur nous inculque ce concept fort important pour le développement de notre cheval. Il y a beaucoup moins d’écrits sur ce sujet que sur les sphères physiques et émotives quoique de plus en plus de horsemen s’y attardent afin de développer notre partenariat.

On n’a qu’à penser à Warwick Schiller, Chris Cox, Neil Davies, Gabi Neurohr, Paulette Evans, Mark Rashid, Andy Booth, Stacy Westfall et évidemment Lyne Laforme pour en nommer quelques-uns. Ils nous encouragent à développer un cheval qui pense, qui a des responsabilités et qui n’a pas besoin d’être micro-géré pour tout.

Les 3 sphères de l’apprentissage

La sphère mentale du développement de notre cheval

Nous savons que le développement de notre cheval comporte 3 sphères fortement inter-reliées soit les sphères physiques, mentales et émotives.

Physique : ce que fait notre cheval

Mentale : ce que pense notre cheval, ce que comprend notre cheval

Émotive: comment se sent notre cheval par rapport à ce qui se passe

Ce texte se concentrera sur la sphère mentale du développement de notre partenariat avec notre cheval. Il est important de réaliser que vu les différences considérables entre humains et chevaux au niveau des sens, ça implique une différence importante au niveau de l’apprentissage.

Le 3e article de cette série sur le PARTENARIAT : PARTENARIAT PROIE/PRÉDATEUR, EST-CE POSSIBLE? décrit en détail les disparités fort importantes et non négligeables entre humains et chevaux, au niveau des sens. Il y a aussi autant de différences au niveau du cerveau cheval vs le cerveau humain en ce qui a trait à l’apprentissage.

Le cheval ne possédant pas de lobe préfrontal est incapable d’analyser, de planifier, de penser de façon logique ou de déduire des conclusions. Il est toutefois influencé par ses expériences antérieures et recherche avant tout le CONFORT et la SAINTE PAIX !

Nos habitudes sont souvent de demander, demander et encore demander sans toujours laisser suffisamment de temps de repos entre chaque demande afin que le cheval comprenne qu’il a adopté le comportement désiré.

Une copine me disait récemment “Hier mon cheval a fait la meilleure pirouette à vie”.

Et moi de lui demander “comment l’as-tu récompensé?’”

J’ai beaucoup aimé sa réponse “ nous sommes partis faire une belle balade au pas’’.

Ah! que c’est bien! Car si c’était la meilleure pirouette à vie le risque que la prochaine ne soit pas aussi bonne était fort élevé. Le fait de partir calmement faire une balade est une récompense pour le cheval et comme nous rappelle Chris Cox ça laisse au cheval le temps d’absorber le tout.

De plus, on dit que c’est la phase de relâchement qui enseigne, donc le fait de cesser l’exercice et d’aller se promener est une cessation de la demande donc un relâchement.

Lors d’une clinique avec Eric St Arnault, Indy avait réussi un exercice exigeant. Sa suggestion, “va te reposer avec elle dans le carré de sable, elle en a assez fait”.

Indy bien détendue a choisi de se coucher et regarder les autres faire l’exercice. C’est ce qu’on appelle du “trempage”

Signes que le cheval est prêt à poursuivre son apprentissage.

N’oublions pas de bien observer les signes de tension chez notre cheval car si on néglige d’en prendre connaissance, ils risquent d’escalader et là on a un problème.

Le 6e article sur la RELAXATION dans la série BÂTIR LA CONFIANCE décrit très bien à la fin tous les signes possibles de tension chez un cheval. Lire cet article nous aide à connaître, observer et même rechercher pour des signes de stress chez notre cheval mais le simple fait de lire ne règlera pas le problème, il faut aussi AGIR. 

Un texte futur sur l’empilement des éléments déclencheurs traitera aussi de cette problématique.

Quand on enseigne quelque chose de nouveau, quand on peaufine un exercice ou corrige un comportement indésirable, il est bon de laisser du temps pour que notre cheval réfléchisse. On se doit de lui laisser du temps pour absorber, digérer cette information.

Note de Lyne

A chaque fois qu’il y a une petite amélioration dans la réponse à notre demande, nous devrions la cesser, le laisser intégrer ce processus de changement en ne faisant rien.

Cela permet au cheval d’intégrer l’exercice et surtout de savoir qu’il a bien fait.

Il est certain que ce sont les répétitions qui éduque le cheval. Il faut savoir s’arrêter.

Mon conseil est que vous devriez faire au moins 3 à 4 bonnes répétitions avec des arrêts entre chaque amélioration.

Le plus important, ce sont les pauses entre les demandes qui vont renforcer la qualité de l’exercice et l’envie de l’exécuter avec aisance.

Gardez en tête que votre exercice doit être en micro séquences afin de faire en sorte que vous et votre cheval soyez gagnant !

Voici les indications que votre cheval relaxe :

  • “lick and chew”  : se lécher les lèvres
  • blowing out : expirer bruyamment 
  • clignotement des paupières
  • bouche et front détendus, 
  • absence de plis sur les paupières
  • cock a leg : relaxer sur 3 membres (un membre sur la pince)
  • yeux centrés sur vous et non dans le vague

Quand je regarde autour de moi, peu de chevaux font le “lick and chew”. Les remarques que j’ai, sont du style “Indy lèche beaucoup, elle est comme un lézard’’ et moi de répondre “ce n’est pas le cheval mais le programme qui la rend comme ça’’. Même après une dizaine d’années à se côtoyer, malheureusement plusieurs n’ont pas compris.

Certes qu’il n’est pas toujours possible de garder notre cheval sans inquiétude mais plus on adressera son inquiétude avec savoir-faire, plus notre cheval sera détendu et ainsi prêt à apprendre quelque chose de nouveau en plus d’être plus sécuritaire.

Il est bien reconnu dans le monde des entraîneurs que la PRESSION MOTIVE mais que c’est le RELÂCHEMENT QUI ENSEIGNE au cheval. Plus on prolonge la phase de relâchement plus le cheval a le temps d’absorber l’apprentissage.

Qu’est-ce que ça implique? Eh bien quand on enseigne quelque chose au cheval, il est important que dès qu’il y a un début de réponse, que l’on relâche la pression donc la demande et surtout que l’on attende, attende, attende avant de demander à nouveau ou demander autre chose.

Le “timing” du relâchement est très important : ça ne doit pas être trop tôt car le bienfait arrive avant la bonne réponse du cheval. Si trop tard le cheval ne fait pas le lien entre le relâchement et la bonne réponse à la pression. L’article 10 de cette série sur le PARTENARIAT intitulé VOTRE CHEVAL CÈDE-T-IL À LA PRESSION AU TOUCHER OU À VOTRE CORPS (énergie) explique bien cette technique.

Lori Ann a demandé à Rafik de baisser son encolure par une traction sur le nœud de la courte longe. Puis elle s’est retournée pour enlever la pression sur lui, c’est le RELÂCHEMENT. Elle le laisse réfléchir à tout ça. Rafik est un cheval plutôt nerveux et inquiet, tête relevée aux aguets au moindre bruit, stimulus. Il a maintenu son encolure basse, son œil est doux et moins inquiet, mais sa bouche est encore un peu crispée. Elle lui laisse toujours beaucoup de temps suite à quelque chose qu’elle lui enseigne car de nature c’est un cheval qui a tendance à s’inquiéter de tout.

Notre grand défaut d’humain, comme je le décris plus haut, c’est de demander, demander et encore demander sans donner suffisamment de temps au cheval d’assimiler cette information, de comprendre qu’il a donné la bonne réponse à notre demande. Il ne faut pas oublier que le cheval cherche toujours la PAIX. Il ne chérit pas du tout les moments de pression et tentera par tous les moyens de les réduire.

Note de Lyne

À vous de vous concentrer (moment présent) et de savoir (connaissance) ce que vous recherchez afin de relâcher au bon moment (timing).

Développer la confiance

Dans la série de textes sur la confiance, je rappelle à plusieurs reprises, qu’une des sphères de la confiance chez le cheval est la CONFIANCE dans l’APPRENTISSAGE.

Chaque cheval est différent dans sa façon d’apprendre et plusieurs sont inquiets de ne pas répondre adéquatement. Mon fjord était peu confiant quand je lui montrais quelque chose de nouveau alors qu’Indy me dit “tu me l’as déjà montré, je l’ai compris, pas besoin de répéter”.

Deux opposés. Poney avait rapidement le regard inquiet et me demandait s’il avait bien fait. Souvent je lui laissais plusieurs jours entre les essais et cela donnait de bons résultats.

Alors qu’Indy anticipe et tente de répondre avant que je lui demande l’exercice. Cet aspect de sa personnalité nous a par contre donné des expériences intéressantes et non planifiées car elle me proposait des choses telle les renvers/travers en suivant les mouvements de mon bassin alors que je tentais autre chose (qui probablement manquait de précision).

L’histoire d’une jument qui mordait…

Un incident avec une jument à mon écurie m’a vraiment fait réaliser comment la sphère mentale est une sphère négligée surtout quand on veut corriger un comportement néfaste chez un cheval. On dispute le cheval, on fruste mais le comportement continue. Une dame montait sa jument de 4 ans pour la première fois seule sans son instructeur. Une de ses amies était assise près de la porte, juste là à y être sans plus “en cas où” si je peux dire. La cavalière appréciait qu’une personne soit présente.

Quand j’ai vu la cavalière, une fois qu’elle était descendue de sa jument je suis allée la féliciter car je savais pertinemment que pour elle c’était tout un exploit! Je me suis présentée poliment à la jument avec le dos de la main et la félicitant verbalement mais en ne la touchant pas. Et voilà qu’elle m’a mordue d’un coup de dent ferme et volontaire. Je lui ai donné un petit coup sec sur le nez et dit NON assez fort, d’un ton sec mais SANS ÉMOTION, puis je me suis détournée d’elle pour la laisser réfléchir sur ce qui venait de se passer.

La cavalière me dit “elle me mord moins souvent qu’avant depuis que j’ai travaillé avec un bon horseman mais elle me mord quand même encore trop souvent “.

Je lui ai répondu : ” elle n’est pas obligée de m’aimer mais elle ne devrait pas me mordre ni me donner des coups de tête ou de pieds. Il y a des personnes que je n’aime peut-être pas mais je n’ai pas à cracher dessus, ni les mordre. Tu sais on accepte de notre cheval des comportements qu’on n’accepterait pas de la part d’un humain “.

La cavalière voulait partir, je lui ai suggéré d’attendre un peu car la jument était en train de digérer ce qui venait de se passer avec moi. Je voyais dans son œil qu’elle ruminait. Je ne bougeais pas, ne parlais pas mais suis restée un bon moment à ses côtés le dos tourné d’elle. Puis elles ont quitté.

Fait intéressant, elle avait mordu l’amie qui était restée dans le manège quand elle a aidé la jument au montoir car la jument ne voulait visiblement pas y rester. Un sujet délicat que l’on ne peut discuter avec les gens qui ne sont pas réceptifs à savoir pourquoi le cheval ne veut pas les avoir sur son dos!

Suite à ces deux incidents rapprochés de morsure, la jument a aussi mordu le même jour une autre dame dès qu’elle est entrée dans l’écurie. Quelques jours plus tard quand une autre personne est allée chercher la veste de la cavalière qui était trop habillée elle a aussi été mordue. Quand elle est sortie du manège, la cavalière s’est arrêtée pour me poser une question; la jument n’a pas bronché, ni tenté de me mordre. Et ne m’a plus jamais mordu alors qu’elle mord régulièrement sa propriétaire , même à la figure quand elle s’approche d’elle.

Puisque j’avais déjà utilisé deux de ses photos dans un de mes articles, la cavalière avait apprécié et n’a pas osé me refuser quand je lui ai demandé d’attendre suite à la morsure sachant qu’il y avait certainement une bonne raison.

Quelque temps après cet incident, elle m’a demandé pourquoi la jument ne me mordait pas et en mordait d’autres de même qu’elle-même.

Je lui ai expliqué le concept du “trempage”, une longue phase de relâchement ; ça lui a fait du sens. Quand j’ai dit “non” très ferme à la jument, et ce SANS ÉMOTION NI RÉPÉTITION et que j’ai tourné le dos, la jument a compris que je lui donnais le temps de réfléchir sur le sujet : c’est le relâchement, du TREMPAGE.

Fait intéressant, quelques semaines plus tard, la propriétaire m’a demandé de lui donner un coup de main pour aider la jument à ne plus la mordre et cela a eu un effet très positif. Certes que parfois elle devient frustrée et mord mais beaucoup moins qu’avant. La propriétaire a compris que si elle donne un message TRÈS CLAIR au cheval et qu’on lui laisse le temps de penser, d’absorber l’information, cela augmente les chances de succès.

Note de Lyne

Tout est une question d’éducation. Un cheval mal éduqué qui ne sait pas où les limites se situent, va répéter le même comportement. Être rigoureux face à un comportement indésirable est essentiel à sa réussite.

Le cheval est très sensible à notre énergie, à notre prise de décision car notre vibration sera différente. Lorsque vous êtes clair avec votre “non”, avec votre intention le cheval va s’ajuster.

Concernant le cheval qui mord, je vous propose ma technique pour régler cette situation sans toucher le cheval. Vous devez être prêt en tout temps car la correction doit être instantanée (aucun délai) car le cheval n’associera pas la correction à son mauvais comportement (timing).

Mon cheval ne m’aimera plus si…

Si je peux me permettre une remarque, plusieurs personnes ont peur que leur cheval ne les aime plus si elles corrigent un comportement indésirable.

Je leur explique que le cheval va se sentir en sécurité et en confiance avec une personne qui calmement lui demande de façon correcte et ferme d’adopter un meilleur comportement.

Ainsi lorsque les balises sont claires, le cheval sait ce à quoi on s’attend. C’est une question de pression et de bon “timing” du relâchement et surtout SANS ÉMOTIONS !

Merci Denyse pour cet article qui nous fait réaliser combien il est important de connaître les principes de base de l’entraînement d’un cheval.

Plus nous comprendrons ce magnifique animal qu’est le cheval plus nous pourrons créer cette relation harmonieuse tant désirée.

L’éducation est l’élément clé qui permet au cheval de prendre confiance en lui et en vous car il devient confortable avec les limites que vous établissez.

Denyse Rousselet

Denyse Rousselet

Denyse Rousselet, cavalière du Québec depuis 35 ans, a eu l’immense privilège depuis une douzaine d’années de voyager à la rencontre de nombreux horsemen/horsewomen fort reconnus pour leurs compétences en horsemanship tout en étant aussi réputés pour leurs performances exceptionnelles avec leurs chevaux. Plusieurs stages en France, Italie, Costa Rica, USA, Ontario et Colombie Britannique totalisant environ un an, lui ont inculqué des notions, concepts et stratégies pas fréquemment enseignés dans nos milieux équestres. Ce cheminement a amené Denyse à être reconnue par ses conférences et cliniques sur le développement d’un bon cheval de randonnée ainsi que des diverses stratégies afin de développer un cheval confiant, sécuritaire et bon partenaire.

Je m’appelle Lyne Laforme

Entraîneure et coach professionnelle en éducation

Lyne Laforme - Coach éducation cheval

 Depuis 1980, j’aide les cavalières et cavaliers à entraîner leurs chevaux pour établir une relation harmonieuse avec leur cheval et à devenir le centre de son univers.

Je suis aussi l’auteure du “Manuel d’équitation Western – Un plaisir partagé” vendu à plus de 10 000 exemplaires et disponible sur Amazon.

En 2013, j’ai reçu la médaille du Jubilé de la Reine Élisabeth II pour ma contribution significative apportée au développement des programmes d’enseignement et d’entraînement en sport équestre au Canada et en Europe.

Aujourd’hui, je veux transmettre les connaissances que j’ai acquises avec l’expérience et les centaines de cavalières et cavaliers que j’ai pu rencontrer.