Partenariat proie-prédateur, est-ce possible ?

Certes que oui, incroyable pourtant quand on pense aux importantes différences entre les deux espèces. Ces nobles chevaux sont très généreux avec nous, humains. Nous ne devons jamais oublier, à chaque fois que nous sommes assis sur un cheval, quel extraordinaire privilège. C’est être capable d’unir son corps avec celui d’un autre être sensible, qui est plus fort, plus rapide et de loin plus agile que nous sommes, et singulièrement indulgent. Citation : William Steinkraus, cavalier équestre olympique.

Frédéric Pignon le dit très bien : ” Le cheval porte un rêve car, malgré sa puissance physique et son indépendance de caractère, il accepte une forme de collaboration avec nous. Dans l’imaginaire collectif, j’ai l’impression que se rejoue là le grand lien originel entre les espèces, une union, une alliance entre l ‘homme et la nature. Notre lien est comme une fenêtre ouverte sur le paradis perdu. “ Dans le contexte du développement de la confiance chez notre cheval, nous avons étudié plusieurs stratégies afin d’aider nos chevaux à être plus confiants autant en eux-mêmes, en leur leader que dans divers environnements, tout ceci dans l’esprit de créer un meilleur partenariat. Ceci implique les notions de :

  • Partage des responsabilités : plus mon cheval a des responsabilités plus je développe son potentiel décisionnel, sa confiance en lui ainsi que sa fierté, voire sa dignité de même que la complicité avec son partenaire humain ;
  • Chacun peut donner son opinion, son idée; à certaines occasions, l’humain laisse des choix à son cheval ceci afin de respecter et développer sa capacité de penser et de prendre de bonnes décisions ;
  • Écoute de l’autre, surtout l’humain qui doit se demander comment son cheval se sent face à telle situation?Qu’est-ce que son cheval pense de cette situation? Qu’y a-t-il pour mon cheval dans ce que nous faisons ensemble? Ce sont les sphères mentales et émotives du développement du cheval, souvent quelque peu négligées.

Il est important de se rappeler que le développement de son cheval comporte 3 sphères très étroitement inter-reliées :

  • Physique : ce que fait le cheval ;
  • Émotive : comment se sent le cheval ;
  • Mentale : qu’est-ce que le cheval comprend, que pense-t-il ?

Il n’est certes pas du tout évident de former un partenariat avec un animal si puissant ayant des caractéristiques parfois diamétralement opposées aux nôtres et ce à de multiples niveaux. Pourtant, ces nobles animaux collaborent avec les humains depuis toujours que ça soit par leur travail auprès des agriculteurs, pompiers, laitiers et boulangers dans les villages qu’à leur participation aux guerres ainsi qu’à la construction des chemins de fer et ce au coût de leur vie.

Puis, depuis le siècle dernier, ils sont devenus partenaires des compétiteurs dans diverses disciplines équestres très variées et pour plusieurs, des partenaires d’équitation de loisirs. Notre souci est de tenter de comprendre comment s’y prendre afin d’harmoniser cheval et humain. Tout un défi! Plus l’humain connaît et comprend les différences entre les deux espèces, leurs besoins ainsi que leur façon de communiquer plus ils formeront un partenariat avec leur cheval. Ceux-ci ont une subtilité au niveau des sens laquelle est beaucoup plus raffinée que chez l’humain.

CORPS

  HUMAIN

  CHEVAL

  Bâti en hauteur

 C’est pour cela que ça prend à l’humain une extension de     son bras (cravache ou stick) afin d’adresser les “drive lines”   de son cheval surtout au début de son éducation

 Bâti en longueur

 Une longue distance horizontale entre la tête   et la queue et je dirais entre les yeux et les   oreilles et la queue

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

POSITION DES YEUX et LA VISION

 

 HUMAIN

 CHEVAL

Yeux en comparaison, sont plus petits et placés sur le devant de la tête Yeux sont gros et placés sur le côté de la tête. Le cheval a le plus gros œil des mammifères terrestres
Acuité visuelle 20/20 Acuité visuelle 20/30 ce qui implique que l’humain distingue les choses plus rapidement que le cheval. L’interprétation de l’œil droit et l’œil gauche n’est pas la même. L’œil droit est un œil plus inquiet
Champ visuel de 45 degrés de chaque côté des yeux. Vision binoculaire : chaque œil transmet simultanément une image au cerveau laquelle est reconstituée en une seule image Vision binoculaire de 180-190 degrés Champ visuel de 350 degrés, quasi 4 fois plus grand que chez l’humain Vision panoramique quasi sphérique : moitié arrière ils détectent plus le mouvement que les choses de façon précise Vision monoculaire : chaque œil voit différemment et transmet au cerveau son image Ceci implique que le cerveau est bombardé d’images ce qui explique pourquoi les chevaux sont facilement inquiets pour ne pas dire sur ‘’ l’œil’. C’est pourquoi des œillères utilisées pour les chevaux de calèches les rend plus calmes car ils ont moins de stimuli visuels Vision binoculaire de 65 degrés; le cheval doit donc pouvoir bouger sa tête pour situer de façon précise où se situent les objets de même que d’évaluer leur grosseur
Yeux faits pour voir les proies qui sont droit devant eux Yeux fait pour voir tout autour d’eux les prédateurs qui rôdent
Capacité d’auto-ajustement est bonne car les muscles ciliaires se contractent et s’adaptent rapidement pour faire le focus sur un objet Le cheval a moins de capacité d’auto-ajustement que l’humain; ça prend plus de temps à faire le focus sur ce qu’il voit. C’est la raison pourquoi il doit bouger la tête pour mieux capter les images et aussi la raison pourquoi ils peuvent avoir tendance à être inquiets et vouloir fuir
L’humain a des zones aveugles par exemple sous le menton, dans le dos Le cheval est incapable de voir directement devant et derrière lui, ni devant son front, entre ses narines, autour de sa nuque et de son cou, entre ses pattes avant, au-dessus de son dos et sous son abdomen Il ne voit pas l’herbe qu’il broute, ni la jambe du cavalier qui en montant ou descendant sur son cheval, la passe au-dessus de son dos. Il ne voit pas la personne qui arrive directement derrière lui
Vision trichromatique nous permet de distinguer le bleu, jaune et le rouge Les humains voient toutes les nuances de couleur à moins d’être daltoniens Vision dichromatique : distingue les couleurs associées à deux couleurs primaires : bleu et jaune. Il perçoit le monde en variantes de bleu, jaune, vert et gris. Certains chercheurs croient que le cheval distingue plus de nuances de vert que l’humain ce qui lui est fort utile en tant que herbivore. Leur monde n’est pas aussi coloré que le nôtre mais ils ne voient pas qu’en noir et blanc.
Détection du mouvement moins grande de sorte que parfois l’humain ne capte pas du tout ce que le cheval voit Grande sensibilité à la détection du mouvement L’œil capte d’infimes changements car il capte plus d’images à la minute ce qui le rend plus habile à détecter la subtilité de mouvement des prédateurs
Vision nocturne est faible L’œil du cheval est doté d’un tapedum lucidum caractéristique commune aux espèces nocturnes. Positionné derrière la rétine, le tapedum lucidum réfléchit la lumière à travers la rétine et favorise la vision nocturne L’œil du cheval possède plus de bâtonnets que l’œil de l’humain et une proportion plus grande de bâtonnets par rapport aux cônes ce qui facilite la vision nocturne Vision nocturne quasi comparable à celle du chat à cause de leurs grandes pupilles Peuvent voir quand c’est sombre mais ont de la difficulté à passer rapidement du clair au sombre et vice-versa car leurs yeux sont habitués à s’adapter lentement au changement de luminosité entre le jour et la nuit et la nuit au jour ce qui prend plusieurs heures
Les humains souffrent parfois de presbytie ou de myopie Si nous pouvions faire des examens de la vue chez les chevaux probablement que tout comme les humains il y en aurait qui seraient myopes par exemple. Une mauvaise acuité visuelle risque d’entraîner des problèmes de comportements tels le manque de confiance, l’hésitation, la fuite, etc.
Avec l’âge les humains ont tendance à développer des cataractes Tout comme les humains, les chevaux développent des cataractes lorsqu’ils vieillissent ce qui, parfois, diminue beaucoup leur vision. Ceci les affecte lors de randonnées par exemple

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La vision du cheval est impliquée lorsqu’on communique avec eux par nos mouvements, notre langage corporel comme lorsqu’on se gonfle le thorax, augmente notre ‘’chi’’, quand on met ou enlève la pression avec notre corps ou notre stick.

POSITION DES OREILLES et L’OUIE

 

 HUMAIN

 CHEVAL

 Oreilles de chaque côté de la tête Oreilles plus sur le devant en forme d’entonnoir ce qui donne une grande capacité auditive
 3 muscles Pavillons peu mobiles 16 muscles Pavillons sont très mobiles et multi-directionnels à 180 degrés indépendamment l’un de l’autre.
 Entend les sons de 20 hertz à 20 kilohertz Entend les sons de 14 hertz à 35 kilohertz Entend des sons jusqu’à 5 km de distance Entend nos battements cardiaques jusqu’à une distance de 4 pieds Les chevaux entendent les bruits avec tout leur corps car ils perçoivent les vibrations par les sabots que leurs nerfs transmettent au cerveau Un cheval sourd perçoit les bruits par les vibrations du sol

 

Indy en cheval de bât a les oreilles pointées vers l’arrière alors que Poney le fjord étant un peu en avant a les oreilles pointées vers le devant.

L’ouïe du cheval est impliquée lorsqu’on utilise la voix, les mots et les sons pour communiquer avec eux. Ils sont évidemment influencés aussi par les bruits environnants.

ODORAT

Le cheval possède un odorat environ 50 fois plus développé que son partenaire humain, certes pas autant qu’un chien ou un rat mais quand même impressionnant. Encore plus impressionnant les bulbes olfactifs ne se croisant pas dans leur cerveau ils peuvent donc savoir de façon précise de quel côté vient l’odeur.

L’odorat très développé permet aux chevaux sauvages d’utiliser leur odorat pour trouver les points d’eau, leurs congénères, les juments en chaleur et surtout pour sentir les prédateurs. Le crottin qu’ils sentent au sol leur donne beaucoup d’information. Le cheval enferme une odeur dans sa fosse nasale grâce à une forte inspiration en remontant la lèvre supérieure. Il utilise son organe voméro-nasal appelé flehmen. On ne pense pas à éduquer notre cheval face aux odeurs auxquelles il risque d’être exposé.

Un cheval de randonnée doit s’habituer à l’odeur des animaux sauvages surtout des prédateurs, du sang d’un animal tué par un prédateur ou un chasseur de même qu’à l’odeur des feux de camp et des poêles BBQ. Il faut se rappeler que le cheval a plus peur des comportements prédateurs que des prédateurs comme tel. J’ai rencontré 3 fois des ours avec Indy; elle s’est toujours arrêtée, a regardé et attendu sans bouger car les ours n’étaient pas en mode chasse. Par contre, je peux vous dire qu’Indy s’est arrêtée brusquement en randonnée lors d’une vacance à un endroit où nous étions déjà allées. Et là mon amie me dit ‘’ tu te rappelles il y avait un ours ici l’an dernier’’. La mémoire ne lui a pas fait défaut. Les chevaux des policiers doivent s’habituer à l’odeur du feu lors des tirs de fusil ou des incendies.

TOUCHER

Puisque le cheval a des endroits où il ne voit pas, il doit pouvoir explorer avec ses moustaches lesquelles sont des organes sensitifs fort sensibles qui lui permettent d’explorer, d’évaluer et de réagir à ce qui se passe. Elles permettent de discerner la distance, la texture, la température, la forme et le mouvement. La raison fort importante pourquoi c’est de plus en plus défendu de faire la barbe à nos chevaux. Oui, les chevaux évaluent leur environnement via leurs moustaches appelées vibrisses mais aussi avec les pattes. Nous avons vu dans le 7e article sur la relaxation de la série sur la confiance que le cheval va utiliser les pattes pour évaluer la solidité d’un pont par exemple avant d’y mettre pied. Il cherchera souvent à tâter avec les pattes une toile au sol ou des pôles. Tout comme l’humain, il réagira différemment selon les différentes textures des tapis de selle.

HUMAIN CHEVAL
Considère le toucher plus important que l’espace Considère l’espace plus important que le toucher
L’humain apprécie une caresse où les figures se touchent lorsque ce sont des personnes proche La plupart des chevaux n’apprécient pas avoir leur figure touchée avant qu’ils soient très à l’aise avec leur humain. Ils vont se saluer entre eux ou avec l’humain en touchant l’humain avec leur nez  Ils apprécient particulièrement avoir leur garrot gratté, caressé par un cheval ami ou leur humain Ils indiquent à leur humain lors du pansage les endroits de prédilection pour qu’on les gratte : souvent l’abdomen, l’entre jambe en arrière car ils n’ont pas accès à ces endroits
L’humain a tendance à se présenter et flatter le cheval avec le côté prédateur de la main (paume) Le cheval a besoin qu’on se présente à lui avec le dos de la main et qu’on le flatte avec le dos de la main quand nous ne sommes pas familiers avec lui. Flatter un cheval avec la paume est OK quand on a une relation privilégiée avec ce cheval
L’humain content a tendance à taper fort une personne pour le féliciter de sa  belle performance L’humain content a tendance à taper au lieu de flatter son cheval suite a une belle performance alors que le cheval a besoin qu’on le flatte 
Nous avons des mains qui FERMENT RAPIDEMENT et OUVRENT LENTEMENT sur la laisse et les rênes Notre tendance est de fermer les doigts en commençant proche du cheval au lieu du contraire Chevaux ont besoin de mains qui FERMENT LENTEMENT ET OUVRENT RAPIDEMENT sur la laisse et les rênes Le cheval a besoin que l’humain ferme les doigts sur la laisse et les rênes en commençant loin de lui
L’humain a besoin d’un cheval éduqué à céder à la pression du toucher et de sa bulle  Naturellement le cheval pousse dans la pression car c’est la seule façon de se libérer des crocs ou des griffes des prédateurs Le cheval doit donc être éduqué à céder à la pression par le toucher de son corps ou de sa bulle

L’humain utilise beaucoup le toucher pour communiquer avec son cheval par les jambes, les mains, la cravache, le stick, le mors, les rênes, la petite longe. Les chevaux sont hypersensibles et nous devons être légers dans notre mode de communication avec eux et surtout relâcher la pression dès que le cheval a répondu à la demande : c’est à la fois sa récompense et pour lui l’assurance qu’il a donné la bonne réponse à notre demande.

Un concept développé depuis quelques années où les chercheurs en éthologie équine ont démontré aux cavaliers que le cheval n’appréciait pas les tapes qu’on leur donne suite à une belle performance telle en situation de concours. La tape entre deux entités prédateurs est tout à fait acceptable : suite à une bonne partie de golf les deux compères se félicitent en tapant sur l’épaule de leur partenaire d’autant plus fort que la partie a été bonne.Ce comportement est tout à fait acceptable voire apprécié entre humains. Mais chez le cheval, on LE FLATTE ET NON LE TAPE. Lors des jeux olympiques des cavaliers ont été réprimandés pour les claques de félicitations données à leurs chevaux. Tout un défi pour nous humains! Ça change notre façon habituelle de faire et nous demande tout un effort.

CARESSER VERSUS TAPER

Andy Booth explique bien que les chevaux apprécient les séances de “gratte-gratte” pour utiliser son expression. Ils apprécient particulièrement d’être grattés sur le garrot, l’endroit de prédilection pour les grattages entre chevaux amis . Il ne faut pas se gêner pour gratter assez fort car entre eux les chevaux utilisent leurs dents pour le faire. Lyne utilise le mot “gratouille”. Elle suggère de trouver leur “sweet spot” tel sous l’encolure, sous la crinière et de chaque côté de la queue. Trouvez avec quelle intensité vous devez gratter, chaque cheval a sa propre sensibilité.

Apprenez à lire votre cheval, il vous dira si vous faîtes la bonne chose.

En résumé

Ceci explique pourquoi les stratégies détaillées dans les articles (sous l’onglet Bâtir la confiance) sur l’approche/retrait/approche de même que la façon de gérer un refus ou une hésitation chez notre cheval sont si importantes car elles tiennent compte, entre autres de leur perception visuelle, de leur acuité auditive ainsi que leur odorat fort différent des nôtres.

Denyse Rousselet

Denyse Rousselet

Denyse Rousselet, cavalière du Québec depuis 35 ans, a eu l’immense privilège depuis une douzaine d’années de voyager à la rencontre de nombreux horsemen/horsewomen fort reconnus pour leurs compétences en horsemanship tout en étant aussi réputés pour leurs performances exceptionnelles avec leurs chevaux. Plusieurs stages en France, Italie, Costa Rica, USA, Ontario et Colombie Britannique totalisant environ un an, lui ont inculqué des notions, concepts et stratégies pas fréquemment enseignés dans nos milieux équestres. Ce cheminement a amené Denyse à être reconnue par ses conférences et cliniques sur le développement d’un bon cheval de randonnée ainsi que des diverses stratégies afin de développer un cheval confiant, sécuritaire et bon partenaire.

Je m’appelle Lyne Laforme

Entraîneure et coach professionnelle en éducation

Lyne Laforme - Coach éducation cheval

 Depuis 1980, j’aide les cavalières et cavaliers à entraîner leurs chevaux pour établir une relation harmonieuse avec leur cheval et à devenir le centre de son univers.

Je suis aussi l’auteure du “Manuel d’équitation Western – Un plaisir partagé” vendu à plus de 10 000 exemplaires et disponible sur Amazon.

En 2013, j’ai reçu la médaille du Jubilé de la Reine Élisabeth II pour ma contribution significative apportée au développement des programmes d’enseignement et d’entraînement en sport équestre au Canada et en Europe.

Aujourd’hui, je veux transmettre les connaissances que j’ai acquises avec l’expérience et les centaines de cavalières et cavaliers que j’ai pu rencontrer.