Stéréotypies chez le cheval : le cri silencieux du stress
dans la série des sujets variés
Article écrit par Denyse Rousselet
Les stéréotypies sont définies comme la répétition inlassable d’une attitude ou d’un geste sans but intelligible ni fonction évidente. Il est estimé selon plusieurs auteurs que j’ai consultés qu’entre 20 et 30% des chevaux domestiques développent des stéréotypies, souvent sous des formes très légères.
Il ne faut pas oublier que les conditions de vie de nos chevaux sont habituellement dictées par les besoins de l’humain qui en a la responsabilité. Un exemple que j’ai vécu il y a quelque temps : une dame sous-louait un cheval et me demandait à l’occasion de l’accompagner en randonnée vers midi. Une fois je lui ai demandé si elle venait à cette heure à cause de son travail et elle me dit non puis me demandait pourquoi je lui ai posé cette question. ‘’Eh bien lui dis-je, ton cheval vient à peine de recevoir son foin du lunch dans son box et on lui coupe son repas’’. Je lui ai dit que les fois où nous sommes allées en randonnée je nourrissais les chevaux dans le paddock un peu plus tôt afin qu’Indy ait mangé un peu et qu’elle soit prête à venir et je donnais le foin à son cheval au box. Elle m’a répondu qu’elle n’y avait jamais pensé. Les autres fois elle a suggéré 13 hres. Un facteur important à considérer quand on pense à développer le ‘’bon vouloir’’ chez notre cheval. Evidemment, comme je dis souvent, nos agendas sont pas mal plus chargés que celui de notre cheval mais la routine pour lui/elle est très importante.
Le stress causé par des demandes au-delà de leur capacité d’ajustement, peut conduire à une altération des hormones et des neurotransmetteurs amenant parfois des comportements de type obsessif alliés à une incapacité d’apprendre. Lucy Rees, éthologue équin, décrit bien ce phénomène dans son livre HORSES IN COMPANY. Elle nous rappelle que les chevaux ne peuvent pas vivre dans des conditions qui ne leur sont pas naturelles sans en souffrir et développer des comportements stéréotypés ce qui s’avère être une forme d’automédication selon elle. Tout comme Warwick Schiller, elle nous rappelle que les chevaux ont besoin des 3 F : friends, freedom and forage soit des compagnons, la liberté de mouvement et pouvoir brouter à volonté. Andy Booth a bien traduit la pensée de M. Schiller.
Friends, Freedom, Forage : redonner au cheval sa vie naturelle

Photo : Indy, jument de tête, au ranch en Colombie Britannique où elle a été élevée pendant 5 ans. Ces chevaux ont la liberté de mouvement, la liberté de brouter à leur guise et des amis.
Ces comportements stéréotypés, répétitifs, d’apparence tout à fait inutiles, sont des maux causés par la domestication des chevaux, comportements qui ne sont pas observés chez les animaux sauvages ou élevés dans des immenses champs, ni chez ceux qui vivent dehors en troupeau même si le paddock n’est pas immense.
Les priver de ces besoins fondamentaux risque d’engendrer des comportements quelque peu indésirables tel le tic de l’ours, le tic à l’air ou à l’appui ou le tic déambulatoire.
Stress et répétition : les stéréotypies, reflet d’un environnement inadéquat
MOUVEMENTS DE TYPE PSYCHOMOTEUR
Ces comportements stéréotypés peuvent au fil du temps avoir des conséquences physiques négatives tels des problèmes de sabots, l’usure des articulations, la perte de poids, un développement musculaire inégal et même des ulcères.
Le tic de l’ours et détresse : le mal-être du cheval en captivité
C’est un comportement stéréotypé qui concerne la locomotion. Le cheval bouge sa tête et son cou d’un côté à l’autre en se balançant d’un membre antérieur à l’autre. Lucy Rees, éthologue équin, nous dit que les chevaux le font habituellement au-dessus de la demie porte du box mais peuvent le faire dans un box complètement fermé. Ils oscillent de 30 à 90 fois par minute et peuvent le faire jusqu’à 3 heures par jour. Cela a un impact sur les ligaments car ils subissent un stress élevé de même que sur les sabots. Madame Rees a étudié pendant plusieurs années, une multitude de troupeaux de chevaux sauvages dans plusieurs endroits différents. Elle nous rappelle que lorsque les chevaux broutent ils avancent un pied et broutent puis avancent l’autre pied et broutent ce qui crée un patron lequel est reproduit lors du tic de l’ours, stéréotype des chevaux qui ne peuvent pas brouter selon elle. Surtout s’ils ne sont pas libres en plus car les chevaux libres dans nos paddocks mangent souvent à des filets longue durée mais ils peuvent changer de filet et lorsqu’ils ne mangent pas peuvent se mobiliser.
Son conseil pour solutionner ces problèmes : fournir un environnement qui répond aux besoins des chevaux. Là on vient brasser les façons de faire. …
DES AMIS, DE LA LIBERTÉ DE MOUVEMENT ET DU FOIN À VOLONTÉ.
Depuis quelques années on voit de plus en plus d’écrits sur l’importance de redonner à nos chevaux une vie qui comble plus leurs besoins. Chez les animaux de troupeau qui ont de l’espace, on ne voit AUCUN de ces comportements.
La vidéo ci-jointe est celle d’un cheval d’une amie qui a été à l’hôpital et est revenu infecté à la salmonellose. Il a donc dû être isolé au box. Quand la propriétaire venait elle le sortait pour l’amener marcher dans le stationnement car il ne pouvait être en contact avec les autres chevaux. Ce cheval est habitué à vivre dehors avec 3 copains au moins 10 hres par jour. Quand il était au box il a eu de nombreux épisodes de tic de l’ours.
Tic déambulatoire
Un autre comportement qui découle du manque de mouvement et de réseau social du cheval. Ces chevaux tournent en rond dans leur box à un rythme varié. Ils peuvent vaquer à cette occupation des heures durant, parfois ne variant pas la trajectoire. D’autres vont varier, changer de côté et répéter les cercles dans l’autre direction. On peut aussi voir ça parfois chez certains chevaux au paddock qui arpentent le bord de clôture des heures durant.
Patouiller
Il est acceptable de voir un cheval patouiller quand le chariot avec le grain circule à l’heure des repas, Le cheval patouille par anticipation. Tout comme parfois lorsqu’ils sont sur les chaînes ou s’ils sont restreints de mouvement pendant un traitement par exemple tout comme s’il est souffrant.
Lorsque excessif, ce comportement est considéré comme un comportement stéréotypé et on doit en rechercher la cause précise afin de diminuer le comportement lequel risque de blesser le cheval par excès de mouvement. S’il porte des fers, souvent une cause de perte de fers.
Comportements d’auto-mutilation
On peut dépister de tels comportements lorsque le cheval est en douleur tel se mordre le ventre ++++ lors de coliques. Mais lorsqu’il n’y a pas de cause apparente et que ces comportements apparaissent de façon régulière ils consistent le plus souvent à donner des coups de pied dans les murs, se mordiller les flancs sans présence de douleur apparente ou piétiner sur place. Pour être classés ainsi les comportements ne doivent pas avoir de cause apparente.
Le cheval de mon amie qui donne des coups de pied dans le mur quand un cheval passe devant son box n’entre pas dans cette catégorie. Pour lui, l’allée devant son box fait partie de son territoire. Le comportement n’apparaît pas dans d’autres circonstances.
Il ne faut pas empêcher un cheval de tiquer
Le tic est une manifestation du mal-être du cheval et ça le soulage. Les stratagèmes mis en place pour mettre fin aux tics ne sont jamais concluants. Souvent le cheval va rediriger son exutoire vers un autre tic, parfois pire car le stress causé par l’empêchement aggrave déjà son état de stress.
Plusieurs auteurs semblent dire que les tics ont une fonction adaptative et leur suppression pourrait avoir des conséquences importantes sur le bien-être du cheval.
Ce cartoon sur le stress explique quelque peu que plus on est stressé, plus c’est facile de stresser.
Cartoon : Je stresse à propos du stress avant même qu’il y ait quelque chose de stressant au sujet duquel je devrais stresser. Puis je stresse au sujet du fait que je stresse au sujet de sujets qui ne méritent pas que je stresse. C’EST STRESSANT !
MOUVEMENTS ORAUX
Il est reconnu que les chevaux ont besoin de mastiquer environ 16 heures par jour, pas besoin de manger mais de mastiquer ce qui est bien répondu lorsqu’il broute car c’est très peu à la fois mais les mâchoires bougent beaucoup pour le peu qu’ils ingèrent.
Le grugage du bois
Certains chevaux grugent le bois dans le box, les poteaux de clôture et ce même s’ils vivent dehors plusieurs heures par jour. Scott Cieslar, fondateur des produits Madbarn en Ontario nous conseille de s’assurer que le cheval n’a pas trop de temps avec l’estomac vide. Les chevaux ont besoin de brouter plusieurs heures par jour. Les filets à foin peuvent pallier en partie à cette problématique afin d’allonger le temps où le cheval mange son foin.
Si ce n’est pas le cas, à ce moment c’est un comportement stéréotypé et il nous appartient de l’adresser comme tel car si le problème est prononcé cela peut endommager les dents, être malsain pour le cheval si c’est du bois traité sans parler de la présence de clous dans le bois.
Le léchage des murs et le grincer des dents non associé à la monte
Un autre exemple de comportement oral sans but particulier car il n’est pas associé à l’heure des repas. Ces chevaux pourlèchent les murs du box, grincent des dents.
Pourlécher est une fonction naturelle chez le cheval car il cherche à soutirer chaque grain de son plat mais quand ce comportement se produit à l’extérieur des heures de repas et de façon mécanique c’est un comportement stéréotypé.
Souvent selon les éthologues, ces comportements précèdent le tic à l’air.
Le Tic de l’air et tic à l’appui
C’est un exemple de comportement oral stéréotypé qui consiste à ce que le cheval s’agrippe avec ses incisives à quelque chose de fixe habituellement à la hauteur de son poitrail. Scott Cieslar dit que le cheval recule un peu sur ses membres postérieurs, contracte les muscles du cou en cambrant l’encolure et aspire l’air tout en grognant. Ceci cause un mouvement de déglutition, le cheval éructe ou ‘’rote’’ en expulsant de l’air. Il s’agrippe habituellement sur le bord du box, les mangeoires, les portes, sur les planches ou poteaux de clôture.
Lucy Rees nous rappelle que les poulains vont fréquemment téter que quelques gorgées, 3-5 coups aux mamelles beaucoup plus pour soulager leur stress quand il arrive quelque chose qui les inquiète que pour boire. Souvent même pas de lait dans ces secousses rapides. Les chevaux en état de domestication dans des conditions non idéales pour eux vont parfois chercher des protubérances quelconques pour téter quelques secondes. Une fois acquis, c’est un comportement très difficile à se défaire. Le port de colliers anti-rot peut aider mais ne guérit pas.
Un cheval à l’écurie où vit Indy est affublé de cette problématique. Mon ami, excellent horseman, qui l’a débourré dit qu’il a développé ce problème lorsqu’il a été vendu. Son nouveau propriétaire l’a gardé seul dans un petit paddock pendant plusieurs années. Le collier anti-rot ne semble avoir aucun effet bénéfique chez lui de même que la vie de jour dans un paddock avec un autre cheval.
Mme Rees nous dit que sans surfaces dures pour s’agripper les dents, certains chevaux vont aspirer de l’air accompagné de grognement. On voit ça surtout quand le cheval est au box faute de surfaces à laquelle se cramponner. M. Cieslar dit que plusieurs de ces chevaux ont tendance à avoir des ulcères et sont traités avec des produits afin de les éviter ou les soulager.
Lyne l’explique de cette façon : Le tic de l’air est semblable au tic à l’appui mais sans prise de support ; le cheval plie l’encolure et aspire de l’air.
Deux articles à paraître sous peu traiteront sur comment enrichir le milieu de vie de nos chevaux et ainsi éviter de tels comportements stéréotypés.
Merci à Scott Cieslar fondateur des produits Madbarn en Ontario ainsi que son équipe pour leurs recherches sur les comportements stéréotypés ainsi que leurs réponses à mes questions.
Rappelez-vous :
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